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Comptes bancaires détenus à l’étranger : nouvelles modalités de régularisation à partir de 2018

En application des dispositions prévues par l’article 1649 A du Code général des impôts (CGI), chaque année, les résidents fiscaux français doivent déclarer, lors du dépôt de leur déclaration de revenu, les comptes bancaires détenus à l’étranger.

Jusqu’au 31 décembre 2017, les contribuables avaient la possibilité de « régulariser » leurs comptes détenus à l’étranger, non portés à la connaissance de l’Administration fiscale, auprès du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR).

Ainsi, dans la mesure où ceux-ci s’inscrivaient dans une démarche volontaire et spontanée, les pénalités et amendes encourues étaient significativement réduites en application des dispositions de la « circulaire Cazeneuve » du 21 juin 2013.

Cependant, ce dispositif dérogatoire ayant pris fin l’année dernière, il convient de faire le point sur les « nouvelles » modalités de régularisation s’offrant au titulaire d’un compte non déclaré ouvert à l’étranger.

En effet, cette question demeure d’actualité car à partir de 2018, la mise en œuvre effective de l’échange automatique d’informations (AEOI) va permettre à l’Administration fiscale d’avoir connaissance de nombreux comptes ouverts à l’étranger par des résidents français.

A l’heure actuelle, plus de 100 pays ont signé cet accord et d’autres signeront dans un proche avenir.

Ainsi, tous les comptes encore actifs au 1er janvier 2016 seront portés à la connaissance de l’Administration fiscale par le pays étranger, signataire de l’AEOI, dans lequel le compte est ouvert.

La grande « nouveauté » de ce dispositif est que ce transfert d’information devient automatique, massif et normalisé.

En effet, les institutions financières, dont principalement les banques et les compagnies d’assurance-vie, vont transmettre à l’autorité fiscale du pays où le compte est tenu, un certain nombre d’informations dont l’identité des titulaires du compte, le montant du solde et des produits financiers perçus ainsi que les produits bruts de cessions des valeurs mobilières.

Dans un second temps, les autorités fiscales du pays en question feront parvenir ces informations à l’Administration fiscale française, qui dès lors, se trouvera en possession de listes de résidents fiscaux français, qu’elle n’aura plus qu’à trier en fonction de certains critères, dont l’importance des fonds déposés à l’étranger.

Par la suite, l’Administration adressera une demande d’information aux titulaires de ces comptes, relative à l’existence et à l’origine de ces avoirs financiers, à laquelle il sera bien difficile de se soustraire.

Ainsi, il devient de plus en plus complexe de dissimuler un compte bancaire ou un contrat d’assurance-vie détenu à l’étranger.

Dès lors, quel sort sera réservé aux malheureux contribuables ainsi démasqués par le Fisc ?

Les mesures de faveurs prévues par la « circulaire Cazeneuve » n’étant plus en vigueur, le rectifications et pénalités fiscales applicables en cas de découverte d’un compte ouvert à l’étranger non déclaré sont les suivantes :

  • Impôt sur le revenu (IR) et prélèvements sociaux (PS): les rectifications porteront sur les intérêts, dividendes et plus-values qui auraient dû être déclarés au cours des dix dernières années.

Par conséquent, le taux des intérêts de retard peut s’avérer très élevé pour les comptes ouverts depuis longtemps et ayant généré des produits imposables (taux de 4,80% par an jusqu’au au 1er janvier 2018 puis 2,40% à compter de cette date).

De plus, si le titulaire du compte ne parvient pas à justifier de l’origine et des modalités d’acquisition des avoirs détenus sur le compte ouvert à l’étranger, l’Administration est en droit de le taxer d’office à hauteur de 60%.

Ainsi, toutes les sommes ayant alimentées le compte seront taxées au même niveau que celui des droits de mutation à titre gratuit entre personnes sans lien de parenté.

Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) : malgré la disparition de cet impôt à compter de 2018, remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), les rectifications porteront sur le solde du compte non déclaré au titre des ISF des années 2008 à 2017.

Droits de mutation : en cas de donation ou de succession intervenue au cours des 10 dernières années, les droits de mutation seront dus. Cette taxation pouvant atteindre 60 % en l’absence de lien de parenté.

SMA FISCAL Samuel Mandon avocat

Majoration de 80 % : applicable aux droits dus (article 1729-0 A du CGI). L’application de la majoration suppose que deux conditions cumulatives soient satisfaites : le compte, contrat d’assurance-vie ou trust à l’étranger ne doit pas avoir été déclaré et les montants détenus via ces comptes, contrats d’assurance-vie ou trust ne doivent pas avoir été inclus dans l’assiette de l’IR, l’ISF ou des droits de mutation à titre gratuit.

Cette majoration ne peut être inférieure à l’amende de 1 500 € prévue  à l’article 1736 du CGI,  à laquelle elle se substitue.

Enfin, il semblerait que cette majoration serait, pour l’instant, ramenée à 40% selon une communication orale de mars 2018 de la Direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF).

Sanctions pénales : ce type de sanction doit être redouté, même si dans les faits, elles ne concerneront que les comptes dont les montants sont très importants et/ou qui auront été ouverts dans un but de fraude avéré.

A ce sujet, il convient de rappeler que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale devient peu à peu une priorité nationale et internationale, et de ce fait, les sanctions sont de plus en plus sévères et leur application de plus en plus fréquentes.

Ainsi, la loi de finances 2018 prévoit, dans les cas les plus graves, de rendre public le nom des fraudeurs via les journaux ou internet (cette pratique est déjà utilisée par la DGCCRF pour les amendes infligées en cas de non-respect des délais de paiement fournisseur).

De plus, l’absence de déclaration d’avoirs détenus à l’étranger peut être constitutive d’un délit de fraude fiscale aggravée, sanctionné par une amende pouvant atteindre 3 000 000 € et une peine d’emprisonnement allant jusqu’à 7 ans.

Enfin, le contribuable n’ayant pas déclaré ses comptes s’expose à une privation de ses droits civiques, civils et de famille (droit de vote ou d’éligibilité, droit d’exercer certaines fonctions dans le cadre juridictionnel ou de témoigner en justice, voire le droit d’être tuteur ou curateur.)

Au vu de ce panel de sanctions et de pénalités, quelle décision prendre ?

Doit-on attendre d’être découvert par l’Administration, en comptant sur sa bonne étoile, ou doit-on prendre les devants et se révéler malgré la disparition des mesures de clémence prévues par la « circulaire Cazeneuve » ?

Cette question est délicate et chaque situation doit être analysée de façon précise et circonstanciée.

Cependant dans certains cas, il conviendra d’entreprendre une démarche active, car à mon sens, les services fiscaux seront plus cléments envers les personnes signalant spontanément l’existence d’un compte qu’envers celles qui auront été découvertes suite à la mise en place de l’échange automatique d’informations (AEOI).

Ainsi, il sera toujours plus aisé d’obtenir une modération des pénalités, dans un cadre transactionnel, en cas de révélation spontanée.

De même, je pense qu’il sera plus délicat pour « Bercy » d’engager des poursuites pénales à l’égard du titulaire d’un compte dont l’existence aurait été déclarée volontairement.

Enfin, ne perdons pas de vue que les avoirs détenus sur un compte révélé peuvent par la suite être utilisés en France ou transmis en toute légalité.

A quoi bon détenir des fonds dont on ne peut pas disposer. Comme l’affirmait Jean de la Fontaine, dans la fable L’avare qui a perdu son trésor, « l’usage seulement fait la possession ».

Par conséquent, dans certaines situations, une démarche spontanée doit être envisagée malgré la fin des mesures de clémence.

Samuel Mandon
s.mandon@sma-fiscal.fr